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Copropriété et sinistres en partie privative : ce que dit la Cour

Un jugement clarifie les limites de la responsabilité du syndicat lorsqu’un dommage survient à l’intérieur d’une unité

Nouvelles

Plancher endommagé après un décès dans un appartement : qui doit payer ?

Le 18 mars 2025, la Cour du Québec – Division des petites créances – a rendu un jugement particulièrement éclairant en matière de copropriété divise. Dans cette affaire, une copropriétaire réclamait 15 000 $ à son syndicat de copropriété, à la suite du décès tragique de son locataire survenu dans l’unité qu’elle possédait. Ce décès ayant causé, selon elle, des dommages nécessitant d’importants travaux de nettoyage et de remplacement des planchers, elle considérait que le syndicat devait en assumer les coûts. Ce jugement soulève une question récurrente : dans quelles situations un syndicat peut-il être tenu responsable de dommages subis dans une partie privative ?

Les faits

Catherine Nault est propriétaire d’une unité de copropriété qu’elle louait depuis 2011. En novembre 2021, son locataire est malheureusement décédé dans l’unité des suites d’une hémorragie. Madame Nault a alors entrepris des travaux de nettoyage et de remise en état de l’unité, incluant le remplacement complet des planchers.

Elle réclame au syndicat la somme maximale que peut accorder la Cour des petites créances, soit 15 000 $, pour des factures totalisant plus de 15 150 $. Ces dépenses incluent des services de nettoyage spécialisés, l’enlèvement de planchers contaminés, l’achat de nouveaux matériaux et la pose du nouveau revêtement de sol.

La position du syndicat

Le syndicat nie toute responsabilité dans cette affaire. Dans une lettre datée du 19 août 2022, il affirme que les dommages invoqués ne découlent pas directement de l’hémorragie, mais plutôt de l’état général dégradé de l’unité, attribuable à une mauvaise utilisation par le locataire et possiblement à la présence d’animaux.

Le syndicat souligne aussi que les planchers, en place depuis plus de dix ans, étaient déjà en mauvais état et ne pouvaient justifier un remplacement complet à ses frais. Il accuse par ailleurs la demanderesse de vouloir, par cette réclamation, « s’enrichir aux dépens des copropriétaires ».

Le fardeau de la preuve

L’un des éléments clés de cette décision est l’absence de preuve convaincante de la part de la demanderesse. Aucune expertise n’a été déposée pour démontrer que l’hémorragie a causé les dommages nécessitant les travaux entrepris. Aucune preuve testimoniale de la part des fournisseurs (Qualinet, KBS, Planchers 440, Finitions KMA) n’a été présentée non plus, et la demanderesse n’a pas su établir de lien direct et exclusif entre le décès et l’état du plancher.

Or, en vertu des articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec, c’était à elle de démontrer que le syndicat avait une responsabilité dans le sinistre et que les travaux étaient justifiés.

L’expertise du syndicat

Le syndicat a pour sa part produit une preuve technique, soit l’avis d’une chimiste de l’Ordre des chimistes du Québec. Ce rapport démontre qu’il est difficile d’établir un lien entre l’état du plancher et le sinistre. L’experte mentionne que les gondolements observés sur le plancher sont présents dans l’ensemble des pièces, et non seulement à l'endroit où l'hémorragie aurait pu survenir.

Elle rappelle également qu’un plancher doté d’un film protecteur peut résister à des éclaboussures ponctuelles, et qu’un dommage causé par un liquide comme du sang devrait être localisé. En l’absence d’analyses telles que l’utilisation de luminol pour détecter précisément la présence de sang, il était impossible de démontrer que les dommages provenaient uniquement du sinistre.

Enfin, aucun rapport complet d’une entreprise de nettoyage post-sinistre n’a été produit pour valider l’ampleur des travaux.

L’état préexistant de l’unité

Autre point important, le Tribunal a tenu compte de l’état antérieur de l’unité. Le plancher avait plus de dix ans, ce qui, dans la logique d’une copropriété, constitue déjà une fin de vie utile pour un revêtement de sol standard. Il est donc peu probable que le syndicat ait été tenu de le remplacer, même si des dommages ponctuels avaient été démontrés.

Le Tribunal rappelle également que l’obligation de minimiser les dommages (article 1479 du Code civil du Québec) s’applique à la demanderesse, qui n’a pas démontré avoir agi de façon raisonnable dans la nature et l’ampleur des travaux exécutés.

Le rôle du syndicat

Certes, le syndicat a l’obligation d’assurer tout l’immeuble, incluant les parties privatives (article 1073 du Code civil du Québec). Toutefois, cette obligation n’est pas équivalente à une responsabilité automatique en cas de dommage à l’intérieur d’une unité. Encore faut-il que le dommage soit lié à une cause dont le syndicat est responsable, ou à un sinistre couvert par l’assurance du syndicat.

En l’espèce, aucun élément ne permettait de conclure que le syndicat avait causé ou contribué aux dommages. Le Tribunal a donc tranché : la demanderesse n’a pas satisfait à son fardeau de preuve et sa réclamation est rejetée, sans frais.

En conclusion

Ce jugement rappelle aux copropriétaires qu’avant d’engager des dépenses importantes à la suite d’un incident dans leur unité, il est essentiel d’en documenter la cause et l’étendue, de consulter le syndicat, et de conserver tous les éléments de preuve nécessaires. Une réclamation fondée uniquement sur des factures ne suffit pas devant le Tribunal, surtout si l’état de l’unité était déjà problématique.

Ce dossier souligne également que la responsabilité du syndicat n’est pas engagée automatiquement dès qu’un événement survient dans une unité. L’analyse de la déclaration de copropriété, l’état antérieur du logement, les rapports d’experts et le respect des devoirs du copropriétaire (comme celui de limiter les dommages) seront déterminants pour toute réclamation.

Jugement commenté : Nault c. Syndicat de la copropriété Le Domaine André-Grasset phase 5, 2025 QCCQ 83
Ce jugement met en lumière les limites de la responsabilité du syndicat et l’importance, pour un copropriétaire, de bien documenter ses réclamations.

BON À SAVOIR !

🔹 Le syndicat n’est pas automatiquement responsable des dommages survenus dans une unité. Une preuve claire est toujours requise.

À RETENIR

📌 Sans expertise ou témoignages crédibles, une réclamation, même appuyée par des factures, peut être rejetée par le Tribunal.

ATTENTION !

⚠️ Un plancher en mauvais état avant un sinistre ne peut justifier un remplacement complet aux frais du syndicat.