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Assurance des copropriétés divises

Mémoire du RGCQ sur le projet de règlement

Mémoires et avis

Introduction

Le RGCQ salue le dépôt du projet de règlement sur l’assurance des copropriétés divises par le ministère des Finances. Ce projet de règlement était très attendu pour faire la lumière sur plusieurs dispositions du projet de loi 141 et finaliser la réforme de l’assurance pour les copropriétés. Plus de deux ans après les premières consultations publiques autour de cet enjeu, l’assurance des copropriétés fait toujours aussi débat auprès des parties prenantes. Le projet de loi 141 a permis des avancées et des clarifications, mais il a aussi engendré de l’incertitude, voire de la méfiance. L’article 1074.2 du Code civil du Québec, en particulier, a mené à une situation explosive pour les finances des syndicats de copropriétaires. Il doit être révisé dans les meilleurs délais pour rétablir la confiance du public et protéger les finances des syndicats de copropriétaires.

Article 1 : assurance responsabilité

L’article 1 du projet de règlement vient préciser les montants de l’assurance responsabilité envers les tiers à laquelle les copropriétaires doivent souscrire, conformément à l’article 1064.1 du Code civil du Québec.

Le ministère introduit une distinction dans le montant des couvertures selon que les copropriétaires résident dans un immeuble détenu en copropriété qui comporte moins de 13 unités ou 13 unités et plus. Cet article suscite trois observations.

Tout d’abord, rappelons que l’assurance responsabilité civile des copropriétaires couvre, principalement, les situations suivantes : paiement, dans certaines circonstances, de la franchise du syndicat, dommages aux améliorations apportées par les copropriétaires et aux biens meubles des tiers, perte de jouissance de leur partie privative par les copropriétaires en cas de sinistre. D’emblée, on constate que le principal objectif de l’assurance responsabilité est de permettre au syndicat de récupérer la franchise déboursée en cas de sinistre lorsqu’un copropriétaire doit en assumer les responsabilités. Notons ici que le gouvernement place les copropriétaires dans une situation délicate. En effet, on impose aux copropriétaires de souscrire à cette assurance, précisément pour garantir le paiement de la franchise, tandis que l’interprétation donnée à l’article 1074.2 C.c.Q. par des assureurs se veut limitative. Ces derniers estiment que l’expression « causé par sa faute », à la fin de l’article, est plus restrictive qu’être tenu « responsable ». Cette lecture exclut la responsabilité légale ou contractuelle, dont celle qui pourrait découler d’une déclaration de copropriété. En faire la preuve obligera souvent le syndicat à intenter un recours judiciaire, alors qu’auparavant, dans la plupart des cas, il revenait au copropriétaire de prouver qu’il n’était pas responsable d’un sinistre à l’égard d’un bien qu’il avait sous sa garde. Il est donc urgent de corriger cette situation pour que l’article 1 du projet de règlement aie les effets escomptés. Sans cela, cette obligation d’assurance pour les copropriétaires ne sera bénéfique qu’aux assureurs et n’améliorera en aucun temps la situation pour les copropriétés.

Recommandation 1.

Réviser l’article 1074.2 C.c.Q. avant l’entrée en vigueur de l’article 1 du projet de règlement pour s’assurer de son efficacité.

Par ailleurs, la formulation de l’article 1 manque de clarté. Il y est question « d’immeuble détenu en copropriété ». Nous avons reçu de nombreux messages et appels de membres du RGCQ qui s’interrogeaient sur l’interprétation à donner à ce terme. L’immeuble détenu en copropriété décrit-il la copropriété dans son ensemble ou chaque bâtiment individuellement? Dans le cas, relativement courant, des syndicats qui regroupent plusieurs bâtiments de moins de 13 unités, mais qui constituent un ensemble de plus de 13 unités, quelle couverture s’applique ? Les maisons de ville détenues en copropriété sont un bon exemple de cette configuration. Cette confusion ne peut qu’être dommageable pour le public et la formulation devrait être clarifiée pour être compréhensible par tous. Cet article devrait donc être modifié pour mieux refléter les intentions du ministère et les situations vécues par les copropriétés.

Selon les éléments dont nous disposons, nous considérons que la distinction devrait être faite selon le nombre d’unités par bâtiment plutôt que par copropriété. Dans l’écrasante majorité des cas, le risque pour les bâtiments de moins de 13 unités, qu’ils fassent partie d’un syndicat de plus de 13 unités ou non, sera identique. Un incendie peut évidemment se propager d’un bâtiment à l’autre, augmentant exponentiellement les dommages. Néanmoins, dans un milieu densément construit, le feu ne distinguera pas les bâtiments appartenant au même syndicat des autres. Il serait donc raisonnable de considérer que le niveau de risque est identique pour les bâtiments de moins de 13 unités, quel que soit le montage juridique du syndicat. De plus, s’ils considèrent que leur risque est important, les syndicats peuvent imposer un montant de couverture plus important dans leur déclaration de copropriété.

Recommandation 2.

Remplacer l’expression « immeuble détenu en copropriété » par « bâtiment détenu en copropriété ».

Enfin, nous pensons que les montants des couvertures prévus dans le projet de règlement sont bien adaptés à la situation des copropriétés.

Article 2 : fonds d’auto assurance

L’article 2 du projet de règlement définit les modalités de cotisation au fonds d’autoassurance, nouvelle obligation introduite par l’article 1071.1 C.c.Q. La rédaction de cet article mérite aussi d’être clarifiée pour être plus compréhensible par les syndicats et plus facilement applicable.

En particulier, la notion d’année financière devrait y être intégrée. Elle est fondamentale pour les syndicats et varie d’une copropriété à l’autre. Il faudrait prévoir à quel moment dans l’année la capitalisation du fonds d’autoassurance doit être calculée et quand doivent avoir lieu les cotisations. Nous proposons qu’il soit indiqué explicitement que le calcul de la capitalisation du fonds d’autoassurance doit être effectué à la fin de l’année financière du syndicat et que les cotisations doivent être prévues pour l’année ou les années financières suivantes.

Recommandation 3.

Prévoir dans le règlement que les dates auxquelles sont calculées la capitalisation du fonds d’autoassurance et le montant des cotisations pour l’année suivante correspondent à la fin de l’année financière des syndicats.

Aussi, quant à la date d’entrée en vigueur de cette obligation, indiquée à l’article 5 du projet de règlement, il faudrait préciser que celle-ci débute au début de l’année financière suivant la date 24 mois après la publication du règlement.

Recommandation 4.

Indiquer, à l’article 5, que l’obligation de cotiser au fonds d’autoassurance débutera lors de l’année financière suivant la date 24 mois après la publication du règlement.

On note que le ministère a judicieusement exclu la franchise pour les dommages causés par des tremblements de terre. Ces franchises sont exorbitantes, leur plancher est très élevé et le risque est faible. En tout état de cause, le fonds d’autoassurance n’est pas conçu pour répondre à ces situations. De nombreux membres du RGCQ nous ont contacté pour signaler une autre franchise qui répond à ces critères : celle pour les dommages causés par une inondation.

En effet, les franchises pour les dommages causés par une inondation semblent être d’un montant minimal de 25 000 $, même pour des syndicats comprenant deux unités seulement. Dans ces conditions, cette situation est très similaire aux couvertures contre les tremblements de terre. Nous souhaitons donc que les franchises pour les dommages causés par une inondation soient exclues du calcul du fonds d’autoassurance. Cela renvoie directement à la notion de franchise déraisonnable. Il serait pertinent et utile d’indiquer dans cet article que toute franchise déraisonnable sera exclue du calcul du fonds d’autoassurance.

Recommandation 5.

Exclure la franchise pour les dommages causés par une inondation et toute franchise déraisonnable du calcul du fonds d’autoassurance.

Nous avons également reçu des informations selon lesquelles certains assureurs considéreraient, parfois, des infiltrations d’eau par la toiture ainsi que par les joints d’étanchéité comme des inondations. Il serait donc judicieux de définir explicitement les sinistres couverts par cette protection dans le règlement pour éviter que certains assureurs interprètent différemment cette couverture au détriment des assurés.

Recommandation 6.

Définir quels sinistres constituent une inondation dans le règlement.

Rappelons que l’efficacité du fonds d’auto assurance sera directement fonction de l’indemnisation des franchises du syndicat par les assureurs en responsabilité civile. Là encore, si l’interprétation de l’article 1074.2 par les assureurs ne change pas, la capitalisation du fonds d’autoassurance sera une tâche sans fin pour les syndicats. À l’inverse, si la situation revenait à la normale, l’indemnisation par les assureurs en responsabilité civile permettrait de reconstituer naturellement le fonds d’autoassurance dans la plupart des cas. 

Article 3 : profession pour l’évaluation du coût de reconstruction

L’article 3 du projet de règlement précise que seuls les membres en règle de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec pourront réaliser l’évaluation du coût de reconstruction de l’immeuble aux fins d’assurance. Le RGCQ n’a pas de commentaires sur cette proposition, mais soulève deux éléments importants quant à cet article.

Tout d’abord, nous nous interrogeons sur le nombre d’évaluateurs agréés qui réaliseront cet acte à travers le Québec. Seront-ils assez nombreux pour répondre à la demande ? Pour éviter de créer un goulot d’étranglement et une augmentation des tarifs qui ne bénéficieront pas aux syndicats de copropriétaires, nous souhaiterions qu’une mesure transitoire soit mise en place pour étaler l’entrée en vigueur de cette nouvelle obligation. Il serait raisonnable d’échelonner cette entrée en vigueur sur une période de cinq ans, qui pourrait être calculée selon la date de la dernière évaluation de la valeur assurable ou l’âge du bâtiment. Si l’âge du bâtiment est retenu comme critère principal, il faudrait également prévoir que les syndicats qui ont déjà procédé à une évaluation de leur valeur assurable au cours des cinq dernières années n’aient pas à refaire une évaluation des coûts de reconstruction avant au moins cinq ans après cette évaluation.

Cet article du règlement devrait être réévalué périodiquement pour s’assurer que le nombre d’évaluateurs est suffisant pour répondre aux besoins des syndicats. Si jamais d’autres professions devaient être désignées pour procéder à cet acte, il faudra alors préciser que les professionnels qui le réaliseront devront détenir une assurance erreurs et omissions couvrant cette activité.

Recommandation 7.

Prévoir une mesure transitoire qui permettra d’étaler la mise en œuvre de cette nouvelle obligation pour éviter de créer un goulot d’étranglement avec les évaluateurs agréés.

Par ailleurs, il est aujourd’hui possible de procéder à une mise à jour de l’évaluation de la valeur assurable moins de cinq ans après l’étude initiale, par le même évaluateur agréé ou un évaluateur de la même firme. Cette mise à jour est moins coûteuse qu’une évaluation complète, correspond aux normes de pratique de l’Ordre et répond, à toutes fins utiles, aux exigences de la loi. Nous proposons donc que cette possibilité soit inscrite dans le règlement pour éviter les incompréhensions et les dépenses inutiles pour les syndicats. En présentant explicitement les conditions selon lesquelles cette mise à jour est possible, les syndicats pourront prendre leur décision en connaissance de cause et les objectifs de la loi et du règlement seront atteints au meilleur coût.

Recommandation 8.

Décrire de façon explicite dans le règlement les conditions qui permettent à un syndicat de procéder à une simple mise à jour plutôt qu’à une évaluation complète des coûts de reconstruction.

Article 4 : liste des sinistres couverts de plein droit

L’article 4 du projet de règlement énumère la liste des sinistres couverts de plein droit par la police d’assurance du syndicat. À la différence des listes prévues dans les Condominium Acts du Manitoba et de l’Ontario, il ne s’agit pas de risques contre lesquels les syndicats doivent s’assurer, mais bien de couvertures réputées figurer au contrat s’il ne fait pas l’objet d’exclusions explicites. Cette différence est notable et bienvenue puisque la responsabilité des administrateurs ne sera pas engagée si certains de ces risques sont exclus de la police d’assurance du syndicat.

La liste proposée par le ministère inclut l’écoulement des eaux, alors que les listes du Manitoba et de l’Ontario, identiques en tous points, indiquent water escapes, dans la version anglaise. La traduction française privilégiée au Manitoba est les « fuites d’eau », tandis qu’en Ontario, on note simplement « l’eau ». Les deux sources d’inspiration du ministère ne donnent pas la même traduction du terme anglais et la notion choisie d’écoulement des eaux pose elle aussi question. S’agit-il de l’écoulement naturel des eaux de surface, telles que les eaux de fonte, dont il est question dans la jurisprudence qui découle des troubles de voisinage ? Faut-il y inclure l’écoulement des eaux souterraines ou les fuites d’eau à l’intérieur des bâtiments ? Étant donné la prévalence des dégâts d’eau en copropriété, les termes encadrant ces sinistres doivent être clairs et reconnaissables par tous. Nous souhaitons donc que le terme « écoulement des eaux » soit remplacé par « dégât d’eau », plus courant.

Recommandation 9.

Remplacer le terme « écoulement des eaux » par « dégât d’eau » dans la liste des sinistres couverts de plein droit dans le contrat d’assurance du syndicat.

La définition des sinistres est souvent laissée à la discrétion des assureurs, qui l’indiquent dans les polices. Cet article du règlement est l’occasion de mieux définir les différents sinistres qui y sont énumérés pour améliorer la compréhension des couvertures d’assurance par le public. Là encore, il ne s’agirait pas d’une obligation pour tous les assureurs ou les syndicats, mais chaque modification par rapport aux définitions prévues dans le règlement devrait être indiquée clairement dans la police. Cela permettrait aux syndicats de comparer facilement les couvertures des différents assureurs, de mieux en identifier les coûts et de bien comprendre leur étendue. Ce travail de définition contribuerait donc à une meilleure compréhension du règlement et du contenu des polices d’assurances auprès du public.

Recommandation 10.

Définir explicitement chacun des sinistres couverts de plein droit dans le règlement.

Conclusion

Ce projet de règlement ouvre la voie à l’approche réglementaire pour l’encadrement des syndicats de copropriétaires au Québec. Cette tendance, confirmée dans le projet de loi 16, peut être particulièrement utile pour s’adapter rapidement à la réalité du terrain. La copropriété divise arrive à maturité, mais de nouvelles pratiques se développent sans cesse et ce mode d’habitation est encore loin d’être figé. Il est donc judicieux de se doter de règlements pour simplifier et accélérer les ajustements nécessaires du droit.

Néanmoins, le gouvernement ne pourra profiter pleinement de ce potentiel que s’il consulte effectivement les parties prenantes du milieu de la copropriété. Nous souhaitons donc qu’un comité consultatif sur la copropriété soit mis sur pied pour échanger avec le gouvernement sur une base régulière. Composé de représentants des acteurs du domaine de la copropriété, il pourrait notamment rendre des rapports, annuels et extraordinaires, sur l’état du secteur et de son encadrement.

Recommandation 11.

Mettre en place un comité consultatif pour accompagner le gouvernement dans la mise en œuvre et la révision du cadre réglementaire de la copropriété divise.