Locataires et franchises : un parcours du combattant pour les syndicats de copropriétaires
Comment les lacunes législatives exposent les copropriétés à des risques financiers majeurs
Nouvelles
La gestion des sinistres en copropriété au Québec pose des défis majeurs, notamment lorsqu’il s’agit de récupérer les franchises d’assurance. Deux jugements récents de la Cour du Québec mettent en lumière les obstacles auxquels les syndicats de copropriétaires sont confrontés, aggravés par des lacunes législatives persistantes et l’absence d’une réglementation stricte sur la responsabilité des locataires.
Jugements révélateurs : des syndicats en difficulté
Dans le cas Syndicat des copropriétaires condominium L’Astral c. Roger Sanders, un dégât des eaux causé par un locataire a engendré des dommages importants. Bien que la faute ait été admise par le locataire, le tribunal a statué que la responsabilité ne pouvait être imputée au copropriétaire-locateur, en vertu de l’article 1074.2 du Code civil du Québec (C.c.Q.).
Un scénario similaire s’est produit dans Syndicat des copropriétaires du 1200 Ouest c. Michel Bouvet et al., où un lave-vaisselle défectueux dans une unité louée a causé des dégâts. Là encore, le tribunal a jugé que la garde de l’appareil appartenait au locataire, exonérant ainsi les copropriétaires-locateurs. Ces décisions soulignent l’incapacité des syndicats à récupérer les franchises auprès des copropriétaires lorsque les dommages sont causés exclusivement par leurs locataires.
L’identification des locataires : un casse-tête juridique
L’un des principaux défis pour les syndicats est d’identifier les locataires fautifs, en particulier dans les cas de location à court terme. Les copropriétaires ne communiquent pas toujours l’identité de leurs locataires, comme l’exige l’article 1065 C.c.Q. Sans ces informations, il devient impossible de poursuivre le responsable. Résultat : les syndicats doivent souvent assumer le coût des franchises, une charge qui peut atteindre des montants astronomiques, répartis injustement entre tous les copropriétaires.
Une réglementation inadéquate face aux besoins
L’absence d’une obligation légale pour les locataires de souscrire une assurance responsabilité aggrave la situation. Contrairement à d’autres juridictions, comme la France, le Québec ne prévoit pas cette exigence. Cela laisse les syndicats démunis face à des locataires insolvables ou non assurés, augmentant les risques financiers pour les copropriétés.
Impacts financiers : des copropriétaires sous pression
Les sinistres non couverts ou mal gérés fragilisent les finances des syndicats. Avec des franchises en constante hausse et des primes d’assurance de plus en plus élevées, les copropriétaires se retrouvent à supporter des charges financières lourdes, souvent injustifiées. Cette situation engendre des déficits budgétaires et des appels de fonds spéciaux, mettant en péril la viabilité économique de nombreuses copropriétés.
Vers une réforme législative : s’inspirer du modèle français
Pour pallier ces lacunes, plusieurs solutions méritent d’être envisagées :
- Obligation d’assurance pour les locataires : Imposer légalement aux locataires de souscrire une assurance responsabilité, comme en France, permettrait de réduire les risques financiers pour les syndicats.
- Renforcement de la déclaration des locataires : Exiger des copropriétaires qu’ils transmettent rapidement l’identité et les preuves d’assurance de leurs locataires au syndicat, sous peine de présomption de responsabilité.
- Simplification des recours juridiques : Réviser l’article 1074.2 C.c.Q. pour faciliter les réclamations des syndicats, notamment en inversant le fardeau de la preuve.
Un appel à l’action
Les récents jugements démontrent que le cadre législatif actuel n’offre pas une protection adéquate aux copropriétés québécoises. Une réforme s’impose pour rétablir l’équité et garantir la sécurité financière des syndicats et des copropriétaires. En s’inspirant des meilleures pratiques internationales, le Québec pourrait renforcer la confiance dans ce mode d’habitation tout en protégeant les intérêts collectifs.
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