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Faut-il rémunérer les administrateurs de copropriété ?

Condoliaison

Par David MÉNASSÉ, Président de Équipe Propri-Gestion inc., et administrateur du RGCQ, chapitre de Montréal


Seules les dépenses effectuées par les personnes autorisées pour assurer le fonctionnement du syndicat leur sont remboursées (papier et cartouches d’encre, timbres et enveloppes, essence et déplacements, etc.), lorsqu’elles ne sont pas directement défrayées par le syndicat. À l’inverse, certains administrateurs de syndicat de copropriétaires peuvent percevoir un revenu, accordé par les copropriétaires, afin de compenser leur temps et leur effort. Ils deviennent donc symboliquement des employés puisqu’ils ne sont plus bénévoles. Est-ce une bonne idée? Voici les deux côtés de la médaille.

 

LES RÔLES DU SYNDICAT DE COPROPRIÉTAIRES

Tout d’abord, il convient de discerner les deux mandats qui relèvent du conseil d’administration et du syndicat de copropriétaires :

1. ADMINISTRATEUR

C’est une charge dévolue à un nombre prédéfini (ou pas) de copropriétaires, en vertu de la déclaration de copropriété, et dont la mission est l’obligation de sauvegarde de l’immeuble et du bien communautaire. Idéalement, tous les copropriétaires devraient assumer cette responsabilité à tour de rôle, pour faire en sorte que ce ne soit pas toujours les mêmes qui montent au créneau, d’un côté, et de l’autre, ceux qui observent sans s’impliquer;

2. GESTIONNAIRE

C’est une fonction de gestion de l’immeuble et des activités du syndicat. La gestion de l’immeuble peut être effectuée par les administrateurs : il s’agit d’autogestion. Elle peut aussi être assurée en tout ou en partie par un fournisseur externe grâce à l’octroi d’un contrat de service : il s’agit alors de services professionnels de gestion de copropriété.

Dans les faits, la pratique de rémunération est généralement observée dans des copropriétés autogérées, c’est-à-dire où les administrateurs sont également les gestionnaires de la copropriété.

 

POURQUOI RÉMUNÉRER UN ADMINISTRATEUR?

La solution idéale, mais utopique, consisterait à ce que tous les copropriétaires assument équitablement cette charge d’administrateur, afin de mutualiser l’effort et l’engagement de tous. Or, il y aura toujours des personnes qui refuseront cette charge, faisant en sorte que ce seront sans cesse les mêmes qui prendront la barre, œuvrant pour leur patrimoine et, par extension, pour celui des autres. À défaut de cet engagement bénévole, les copropriétaires pourraient offrir leur soutien pour d’autres activités ou tâches bénévoles au sein de la copropriété, mettant la main à la pâte d’une manière qui leur convient peut-être davantage.
Rémunérer de façon notable ces administrateurs peut donc apparaître comme une bonne idée. Cela pourrait néanmoins susciter des candidatures faussées, attirées par l’allocation plutôt que par l’intérêt communautaire. Lors d’une assemblée générale, il arrive très souvent qu’il y ait moins de candidatures que de postes à pourvoir et, si la situation s’enlise, que parfois surgisse une candidature initialement réticente, proposant sa vocation subite en échange d’une rétribution...

Ainsi, la charge d’administrateur à elle seule semble une responsabilité que tout copropriétaire se doit de prendre volontairement, de temps en temps ou sur une période de quelques années de suite, pour contribuer à un climat harmonieux et à l’épanouissement de la copropriété.

La rémunération des administrateurs peut aussi être utilisée comme gage de reconnaissance de leur travail. Il est vrai que le salaire est un des leviers de la reconnaissance. En milieu professionnel comme associatif, il en existe pourtant toute une pléiade : offrir des formations, souligner les bons coups des administrateurs sur un mur ou un babillard de reconnaissance bien placé dans la copropriété, accorder des budgets pour des activités spéciales ou des projets structurants au sein de la copropriété, remettre des prix d’engagement et de reconnaissance au terme de chaque année, etc.

 

QUAND LA PERSONNE BÉNÉVOLE DEVIENT EMPLOYÉE

De fait, l’on pourrait concevoir de rémunérer des administrateurs qui assument aussi la fonction de gestionnaires autonomes, dès lors que ces personnes sont formées et à jour vis-à-vis des spécificités de la copropriété, incluant ses domaines élémentaires (juridique, technique, administratif, social...). Cependant, l’expertise est rarement au rendez-vous et l’expérience, aussi transférable soit-elle, ne suffit pas toujours à pallier ce manque. La disponibilité, la motivation et la qualité du travail effectué par les administrateurs-gestionnaires autonomes rémunérés sont autant de facteurs à considérer lorsque vient le temps de décider de fixer ou de reconduire une rémunération. En raison des affinités et des perceptions, les bonnes intentions initiales font souvent place à des débats d’opinions acrimonieux, et ces prises de décision peuvent créer des tensions importantes et durables au sein des copropriétés.

En pratique, ce que nous observons dans les cas où les administrateurs sont rémunérés, c’est que les montants sont dérisoires, symboliques, le plus souvent de 20 $ ou 30 $ par mois et en disproportion complète avec le temps et l’énergie consacrés à la tâche. Ce qui est frappant, par contre, c’est le changement d’attitude qui s’opère alors dans l’esprit de plusieurs copropriétaires et décrit dans l’encadré de la page précédente.

Pour terminer, il faut savoir qu’à partir d’un certain montant, les rémunérations, les allocations, les salaires ou autres honoraires versés à un administrateur de copropriété doivent être déclarés comme revenus et qu’un relevé d’emploi T4A/T5 sera produit chaque année. Cette réalité a souvent fait se rasseoir les candidats de dernière minute se proposant exclusivement contre rémunération.

 

ET LE GESTIONNAIRE PROFESSIONNEL EXTERNE DANS TOUT ÇA?

La complexification de l’administration d’une copropriété, les nouvelles lois et les nouveaux règlements, la pénurie d’entrepreneurs, les difficultés à gérer les sinistres assurables, entre autres dossiers de gestion d’une copropriété, rendent le manque de candidatures encore plus réel. Surtout lorsque les administrateurs impliqués depuis des années décident de déménager et de vendre leur unité.

Utiliser les services d’un gestionnaire professionnel de copropriété permet de déléguer et de bénéficier d’une formation continue pour comprendre la copropriété et son évolution technique, sociale, économique et législative. Le travail du gestionnaire professionnel est de soutenir la mission des administrateurs, d’interagir en leur nom, de les conseiller dans leur prise de décisions et d’agir comme plaque tournante de la communication entre tous les acteurs de cette communauté (copropriétaires, entrepreneurs, institutions, etc.).

Somme toute, le plus important pour un syndicat de copropriétaires est de bien s’informer pour trouver ce qui sied le mieux à ses besoins. Pour les pour et les contre, il est essentiel de consulter les copropriétaires et de communiquer avec des gestionnaires professionnels pour bien comprendre leur offre, leurs services et leur valeur ajoutée.

Condoliaison 23-3 Automne 2022