Conflits d'intérêts en copropriété
Éviter les non-dits
Condoliaison
Les conflits d’intérêts en copropriété prennent naissance dans le non-dit. Mieux vaut ne pas se faire prendre à ce jeu malsain en les divulguant systématiquement. Une fois fait, et que personne ne s’y objecte, il n’y a plus lieu d’accuser quiconque d’avoir caché quoi que ce soit.
Il peut arriver, à titre d’exemple, qu’un administrateur ou un gestionnaire de copropriété connaisse un beau-frère, une sœur ou un cousin qui travaille dans le domaine de la construction. Ces personnes pourraient réaliser des travaux dans l’immeuble à un prix très compétitif. L’ennui, c’est que celui qui les a recommandées est leur coassocié au sein d’une entreprise. Par conséquent, il pourrait percevoir des revenus, ou un bénéfice quelconque, pour tout contrat signé avec un tiers. Taire cette réalité pourrait créer des remous parmi les copropriétaires, qui pourraient lui reprocher, et avec raison, d’avoir fait preuve d’opportunisme.
L’article 2138 du Code civil du Québec prévoit :
« Le mandataire est tenu d’accomplir le mandat qu’il a accepté et il doit, dans l’exécution de son mandat, agir avec prudence et diligence.
Il doit également agir avec honnêteté et loyauté dans le meilleur intérêt du mandant et éviter de se placer dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et celui de son mandant. »
Rien de scandaleux
Cela dit, connaître un entrepreneur ou un professionnel du bâtiment ne signifie pas, nécessairement, être en conflit d’intérêts. Recommander ces personnes en raison de leur excellente réputation, sans pour autant avoir un lien financier avec elles, n’est pas considéré comme tel. Ces personnes pourraient s’avérer bénéfiques pour la destinée d’un syndicat, par le fait de prestations exemplaires et parfois offertes à un « prix d’ami ». Dans les circonstances, il n’y a rien de scandaleux à cela, bien au contraire.
« Le conflit d’intérêts divulgué a ses bons côtés en copropriété, car les personnes qui l’ont dénoncé se sentiront responsables, sur le plan moral, et investies d’un devoir de caution. Elles se montreront plus exigeantes, voire pointilleuses à l’égard d’un professionnel ou d’un sous-traitant avec qui elles entretiennent un lien familial ou d’affaires », fait remarquer David Ménassé (Adm.A.), président d’Équipe Propri-Gestion. L’homme est aussi membre du CA du RGCQ Montréal.
La déontologie selon Condolegal.com
Dans une fiche pratique qui traite d’éthique et de déontologie au regard du gestionnaire, Condolegal.com relate notamment ce qui suit : « Tout bon gestionnaire évitera d’être en situation de conflit d’intérêts, en adoptant une attitude neutre et indépendante. Il refusera tout cadeau, commission ou pot-de-vin que pourraient lui offrir des fournisseurs de services qui desservent la copropriété. S’il se retrouve en situation de conflit d’intérêts, il en informera sans délai le conseil d’administration, et lui demandera s’il l’autorise à poursuivre ses activités ou son contrat de service. Pour demeurer intègre à l’égard de ses commettants, il doit respecter des règles d’éthique. » Ces énoncés s’appliquent également aux administrateurs de copropriété.
Qu’arriverait-il si un gestionnaire ou un administrateur se retrouvait en situation de conflit d’intérêts, et qu’il ne la dénonçait pas? Pourrait-il être poursuivi, advenant que les travaux ne soient pas à la hauteur des attentes, et que le fournisseur de services ait été payé de surcroît? « Encore faudrait-il faire la preuve d’un dommage, par exemple qu’une autre personne aurait pu mieux faire le travail et à un moindre coût », explique Bruno Bourdelin, avocat en droit de la copropriété au cabinet de Grandpré Joli-Coeur. En matière de conflits d’intérêts en copropriété, il peut être difficile de bâtir un dossier qui passera le test du tribunal, car il faut prouver le dommage découlant d’un conflit d’intérêts.
Prenons l’exemple du beau-frère d’un administrateur qui a pris en charge les travaux à faire dans une copropriété, sans que le conflit d’intérêts ait été dénoncé. Le beau-frère aurait été payé pour des travaux mal réalisés sur une toiture, et il en aurait résulté des infiltrations d’eau dans l’immeuble. Il faudra alors se demander si « le conflit d’intérêts a participé à la situation, ou si cela aurait pu se produire avec n’importe quel autre intervenant. Autrement dit, est-ce que le conflit d’intérêts a eu des conséquences sur le résultat final? » se demande Bruno Bourdelin.
Dans certaines situations, faire le lien de causalité sera possible, mais dans plusieurs autres, ce lien sera « brisé », car le dommage pourrait être jugé trop éloigné par rapport au conflit d’intérêts. Il sera d’autant plus difficile de le démontrer, advenant que tous les administrateurs d’un syndicat aient mandaté la personne fautive en toute connaissance de cause. En somme, prouver la faute et le dommage est une chose, mais établir le lien entre les deux en est une autre.
Refuser le travail au noir
Nathaly Curé, fondatrice de l’entreprise Gestion DMNC, prévient systématiquement les administrateurs des risques d’être en conflit d’intérêts avec un sous-traitant. S’il s’agit d’une connaissance ou d’un proche, il pourrait ne pas détenir d’assurance responsabilité professionnelle et vouloir être payé au noir. « Si les choses ne se déroulaient pas comme prévu, un syndicat pourrait le regretter amèrement », dit-elle. Cette gestionnaire a déjà dû composer avec des travaux mal faits par le proche d’un administrateur. Lorsqu’elle l’a rappelé pour lui demander d’apporter les correctifs nécessaires, il a refusé d’obtempérer.
Pour tout dire, la probité et l’intégrité ne sont pas un luxe en copropriété, mais bien une nécessité qui contribuera à protéger, adéquatement, les intérêts d’un syndicat de copropriétaires. Ces deux qualités sont élémentaires à toute personne responsable d’administrer ou de gérer le bien d’autrui.
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